Le mythe d'Icare pour les temps modernes

À force de pointer du doigt la vanité d’Icare, on passe à côté des trésors et sagesses cachés du mythe. Mais les vagues successives de nos progrès les font émerger peu à peu, comme a point nommé.

Si la biodiversité de notre Terre décroit à une vitesse inédite, en miroir, l’humanité n’a jamais connu une telle richesse de connaissance, de savoir, de technologie. Tout comme son pendant naturel, c’est un écosystème qui s’auto-alimente, grandissant de façon exponentielle quand son pendant naturel décroit. C’est un véritable labyrinthe pour appréhender ces univers immatériels émergeants.

Comme Dédale, il nous faut des ailes pour survoler, s’équiper d’une vision globale, survivre aux méandres d’informations, pour obtenir le schéma des choses : les ordonner en introduisant une nouvelle dimension, une nouvelle profondeur. Mais nos ailes modernes ne sont pas faites de plumes, mais de méthodes, pour en faire profiter le plus grand nombre.

Les méthodes nous élèvent, nous font grandir, nous libèrent, ce sont leurs fonctions premières. Elles donnent accès à de nouveaux espaces, nous permettant de nous y regrouper ensemble, autour d’un même imaginaire. L’ivresse qui en découle facilite aussi l’embrigadement : on est naturellement redevable à ceux qui nous font grandir.

C’est le premier enseignement de ce mythe : développons notre capacité à concevoir des méthodes, comme des ailes, pour résoudre nos problèmes et partager ensemble les mêmes visions et perspectives pour tous nos projets et entreprises.

Et comme tout manuel d’utilisation, même antique, il existe aussi une clause d’attention.

Tout comme les ailes d’Icare, il existe un seuil où l’usage des méthodes devient dangereux. Cette ligne de crête où elles changent de dimensions, passant du levier fonctionnel pour se libérer à celui de levier émotionnel pour s’enivrer.

À ce stade, les méthodes emprisonnent. Elles basculent alors de culture à dogme - enfermant les esprits plutôt que de les libérer. « Ce n’est pas dans la méthode » sont les premiers symptômes qui doivent alerter de la dérive vers le soleil.

Si l’ambition est la domination des esprits, alors c’est un levier formidable. Mais la belle leçon en héritage ne réside ni dans l’outil de pouvoir ni dans la modération à respecter, entre l’usage fonctionnel ou aliénant d’une paire d’ailes. Mais bien dans la formidable liberté que nous avons de nous élever ou de nous soumettre, de jardiner dans les méandres du labyrinthe, d’explorer les airs et partager les schémas révélés, d’être franc-tireur, solitaire dans les découvertes ou despote méthodologique d’une nation dans le nuage numérique.

Quels autres trésors attendent d’être révélés dans nos histoires ?